Il ne s'agit pas là de représenter, mais d'habiter la singularité de notre présence au monde. La richesse de nos relations aussi, car l'humain dans les tableaux d’Amma, s’énonce souvent dans son rapport à l'autre.

Akwaba
Huile sur toile 195 cm x 130 cm 2019

Couleur sombre

Je vois peindre Gifty Amma Ohenewaa Potukyan depuis plusieurs années. J'ai vu une peintre éclore, un monde s'affirmer. Sa peinture est franche comme sa relation aux autres. Attentive à chacun, Amma a une sensibilité et une compréhension des autres d’une finesse peu commune. Questionner sans cesse et avancer, avancer encore et encore. Chaque nouveau tableau prolonge cette quête. Car la peinture est une quête. On ne sait jamais où elle nous conduit. C'est une aventure qui se dévoile pas à pas, dont le sens se révèle peu à peu et qui nous dévoile à nous-mêmes aussi, une aventure qui demande parfois un du courage pour affronter le monde où elle nous conduit, mais cela en vaut la peine et Amma le sait bien.

Dans ses tableaux, il y a l'humain toujours, au centre de toutes les questions.

Des compositions brutes, frontales, sans aucun décor, qui affirment le corps dans tout son mystère et dans toute sa vérité. Dans sa complexité aussi, tant le dessin est au service d'une expression. Gifty explore une figuration qui enrichit et dépasse la simple narration.

La facture est tendue, épurée, sans décoration ni affect. La peinture lisse, distribuée en aplats puissants d'une matière légère. Cette simplicité, presque économe, nous garde loin d'une expression brutale. La force d'expression n'en est que plus intériorisée. La couleur sobre, tout en noir et gris coloré confirme cette retenue. Cette peinture allie l'expressivité et la délicatesse.

Bien sûr, il y a l'Afrique, et les esprits ne sont peut-être pas si loin. Le souffle épique d'une relation animiste qui nous rappelle que les humains font partie d'une réalité plus grande qu'eux, et que la nature nous dépasse. Dans le souffle de son pinceau, on retrouve Fautrier, les ombres de Wang Keping, Wifredo Lam, mais aussi la présence de Louis Soutter. Amma s'est bien entourée.

Il ne s'agit pas là de représenter, mais d'habiter la singularité de notre présence au monde. La richesse de nos relations aussi, car l'humain dans les tableaux d’Amma, s’énonce souvent dans son rapport à l'autre.

Des corps simples, des visages tout juste esquissés, un geste qui nous relie au corps qui peint. Oui, la peinture de Gifty est habitée et elle nous regarde.
Antoine PETEL Des Ateliers de Beaux-Arts de Paris